
Grace Jones par Jean-Paul Goude Exposition Années 80 Centre Pompidou
« L’Insoutenable Légèreté des Années 80 » interroge l’époque à travers une mise scène néo-documentaire riche en pastiches, fantaisie, mises en scène et en abîme.
Les années 80 c’est, au niveau géopolitique, les guerres en Amérique latine, l’invasion de l’Afghanistan par l’ex URSS, la guerre Iran-Irak, la première Intifada, Tian’anmen …
C’est aussi l’apparition d’un tueur inconnu et implacable, le sida. Et la concrétisation d’une menace tacite, celle du nucléaire, avec Tchernobyl.
En France, c’est un virage libéral chez les socialistes, les prémisses de la fin d’un certain État Providence ainsi que celle d’une précarité qui deviendra modèle. Bref l’apparition des « nouveaux pauvres ».
Dans ce contexte, la frénésie festive, le pré bling-bling, le culte de l’apparence peuvent paraître décalés voire déplacés.
Mais, les années 80 c’est aussi la Perestroïka et le début d’une démocratisation de l’ancienne Europe de l’est : de la chute du régime Caucescu à l’effondrement du mur de Berlin. Les promesses de l’Ouest ne semblent plus inaccessibles. Un l’Ouest où l’individualisme règne sans partage et où la consommation devient cultuelle. Les grandes peurs de la décennie suivante n’y sont présentes qu’en filigrane (chômage, mort, solitudes, mondialisation financière …). Il est encore temps d’être légers, insouciants.
Les artistes exposés à la Galerie 1 du Centre George Pompidou questionnent les travers de cette période dont certains « vétérans » gardent la nostalgie et que d’autres célèbrent comme un eldorado perdu.
Les trois espaces regroupent une centaine d’oeuvres d’une vingtaine d’artistes européens : des dons que le Centre Pompidou tient à mettre en avant.
La manifestation fait coexister artistes stars (Martin Parr, Jean-Paul Goude, Pierre et Gilles …) et créateurs moins connus ou oubliés (Agnès Bonnot, Ellen Carey, …)
Dans les trois espaces on retrouve les mêmes lignes force. Photographes et cinéastes s’affranchissent des codes du documentaire. Ils brisent la frontière peinture/dessin/photo et s’emparent de nouveaux moyens techniques comme le Polaroïd ou les grands formats afin de mieux critiquer leur époque Les thèmes dominants se déclinent : le Décor, les pratiques de Classes, l’Artifice, le Paraître. Occultation du réel au profit des convenances, mise en question de la société du spectacle …, les artistes théâtralisent le quotidien de la classe moyenne comme de la haute bourgeoisie.
Florence Paradeis donne ainsi à voir une photo qui semble le parfait reflet d’un petit déjeuner familial. « Les personnages sont réels mais proviennent de différents univers. C’est une photo composée qui paradoxalement a des allures de Snapchat » explique Karolina Ziebniska -Lewandowska, la commissaire de l’exposition.
Chez Karen Knorr, la quarantaine de portraits d’amis ou de modèles posant dans des clubs de gentlemen constituent un autre exemple de néo-documentaire qui construit en déconstruisant pour mettre en scène les codes de classes. « Le portrait est là pour codifier, pour donner une définition de soi à la société » ajoute la commissaire.

La série de portraits d’Agnès Bonnot reprend la scénarisation de personnages réels mais utilise les nouvelles techniques de l’époque à base de flash, de couleur. Les photos de Martin Parr usent des mêmes procédés.
La dernière des trois salles présentent deux grands formats de Grace Jones par Jean-Paul Goude. On pense à deux signatures festives de l’époque.
Ils font face à un écran qui diffuse « Poison vert », un film expérimentale ou Pascale Ogier est immergée dans l’environnement consumériste des années 80 (objets et meubles design, parfum).
Les créations de Jean-Paul Goude sont encadrées par un autre grand format où deux personnages aristocratiques jouent aux échecs. Au-dessus d’eux, un tableau figurant un oiseau en habits de notable enfonce le clou de la mise en scène et joue à fond la carte du pastiche.
De l’autre côté, le portrait d’une génération de Henri Hergo : une série de photographies de jeunes gens prises derrière un tissu.

Montrer-cacher, apparaître-disparaître, deconstruire-reconstruire, tout est dit.
« Les années 80, l’insoutenable légèreté », Centre Pompidou
Du 24 février au 23 mai 2016
De 11h à 19h, sauf le mardi
Tarif : gratuit